Schizophrénie
C'est cela, aussi, être auteur. Accepter le fait de faire souffrir quelqu'un. Oui, quelqu'un, car ces personnages ne sont-ils pas une partie de moi, que j'aime et que je cherche à protéger ? Avec le temps, j'ai appris à les connaître mieux que quiconque, et à les apprécier pour ce qu'ils sont, avec leurs défauts et leurs manies. Si l'événément tragique n'a pas lieu, si la souffrance ne s'exprime pas, alors l'intrigue ne peut pas se dérouler. Car comment faire une histoire quand tout va bien ? On ne peut pas raconter un conte de fées en ne conservant que la fin. En quoi le "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" est-il intéressant ? Une phrase, une seule et simple phrase pour résumer une vie de bonheur. Parce que cette vie de bonheur n'a malheureusement aucun intérêt, et que, au fond de moi, je sais que le bonheur est ce qui ne se montre pas, et ne se partage pas non plus. C'est ce dont on profite dans le silence et la jouissance simple et pure. Et cela, je ne cherche pas à l'étaler. Alors oui, mes personnages ont souffert, et c'est triste, et je pleure, comme si c'était à moi que des choses aussi terribles étaient arrivées. Mais finalement, si je le fais, c'est aussi pour leur permettre d'exister.