Maintenant

Publié le par Ambre

Parfois, rien ne va. Parfois, la vie nous pousse dans une direction que l'on n'a pas choisie, vers des rivages que l'on ne désire pas voir. Parfois, même, il est difficile de savoir qui l'on est, où l'on va, ce qui nous ferait vraiment plaisir. Parfois... Parfois, moi, et pas ce "on" impersonnel qui me sert de bien piètre excuse, parfois, je ne sais pas trop qui je suis, ce que je fais et pourquoi. Parfois, j'ai l'impression de ne pas savoir qui je suis, d'être une personne entièrement différente de celle que j'ai envie d'être. Parfois, j'ai l'impression d'être entraînée par les événements sans pouvoir les contrôler, d'oublier mes principes, mes valeurs, mes premiers amours.

 

Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui je suis moi, et je me sens bien. Je fais ce que j'aime, même si cela signifie rester au lit avec un livre en main pendant des heures. Il n'y a personne, personne d'autre que moi, et nul ne me détourne de quoi que ce soit. Je me sens apaisée comme je ne l'ai plus été depuis longtemps. Je réussis à vaincre le stress et à rester calme, simplement. Je suis de nouveau cette fille que j'étais il y a dix ans, avec des rêves plein la tête et rien d'autre que l'envie de les réaliser. Que penserait-elle en me voyant aujourd'hui ? Elle n'était même pas encore blessée. Si je pouvais la prévenir, je crois que je le ferais, mais cela ne serait-il pas révéler en une seule fois toutes les déceptions qu'elle devra vivre, et briser son innocence ? Je crois que je lui parlerais de bonheur, et de toute la difficulté qu'il y a à l'atteindre, mais aussi de déceptions et de satisfactions, de trahison et de confiance.

 

Aujourd'hui, pendant un court instant, j'essaye de me voir telle que je suis aujourd'hui à travers les yeux de cette enfant de 13 ans, et je crois que je suis fière de moi. Après tout, que n'ai-je pas réussi ? J'ai un fiancé formidable, que j'aime de tout mon coeur. Je vis à Paris, ce qui ne m'a jamais vraiment attirée mais représente néanmoins un certain succès social, j'ai de vrais amis, qui malgré le temps ne m'abandonnent pas, et que j'aime de tout mon coeur, même s'ils ne seront peut-être jamais aussi nombreux que les amitiés superficielles dont je rêvais enfant. J'ai un chat, et si avoir un chat n'est pas un rêve devenu réalité, qu'est-ce qui l'est ? J'ai aussi effoyablement bien réussi ma vie professionnelle depuis lors. Après tout, n'ai-je pas toujours été le plus haut possible, le plus haut que je pouvais ? Mais ce dont je suis la plus fière, c'est que malgré tout cela, cette petite fille n'a pas disparue. Je suis restée fidèle aux mêmes valeurs, aux mêmes amours. Je ne me suis jamais trahie pour un mirage qui ne m'intéresse pas.

 

Cette petite fille va connaître tellement de joies... Dans quelques mois, elle va relire Tolkien pour la première fois et ressentir le plus grand choc de sa jeune existence. Et après cela, tellement de choses vont venir ! Le premier amour, le premier Robin Hobb, aussi, à l'influence déterminante, et Strasbourg, Strasbourg qui n'est aujourd'hui pour elle que la ville du théâtre pour enfants et de la fnac. Le premier cahier, aussi, ce cahier qui compte, et les stylos bic, les crayons gris, les blogs, les mots griffonnés à la hâte sur du papier... Si cette petite fille pouvait me voir, je crois qu'elle serait admirative. En fait, je crois que je serais exactement ce qu'elle désirerait être. Je crois qu'elle me dirait que ce n'est pas grave si tout ne va pas comme je veux dans le monde, parce que ce que j'ai réussi à faire jusqu'à présent, c'est formidable, plus qu'elle ne se serait jamais cru capable de faire dans une vie. Je crois qu'elle sourirait, et qu'elle me dirait de ne pas m'en faire. Parce que j'ai déjà l'essentiel de tout ce dont j'ai rêvé. Je crois qu'elle me dirait de rire parfois, ou même de pleurer, et de ne pas avoir l'air si fatiguée, si soumise, si désabusée. Parce que j'ai le droit non seulement de vivre, mais aussi de profiter de la vie.

 

Parfois, il faut simplement savoir faire le point, peut-être. Cela prouve qu'on grandit. Alors je souris et je retourne à mon bonheur présent, dans mon lit, bien au chaud au creux de mon livre.

Publié dans Pensée

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